De père en fils
L’histoire de Tony Mary reflète l’évolution rapide que la Flandre a connue au cours de l’après-guerre. Alors que ses grands-parents sont agriculteurs, son père est le premier habitant du village à obtenir un diplôme d’humanité. Tony Mary marque également l’histoire du village en étant le premier à obtenir un diplôme universitaire. Son père était fonctionnaire et très attaché à l’idée de l’état, au rôle des pouvoirs publics pour rétablir les équilibres et à la démocratie. « J’ai grandi avec l’idée que l’intérêt social prime sur tout », dit-il à ce sujet. Pour le jeune Mary, c’est donc en toute logique qu’il travaille au ministère du travail et de l’emploi en 1971.
Citron
Mais Tony Mary n’est pas à l’aise dans l’administration. C’est son chef de service qui l'encourage à partir et qui l'inscrit à un examen chez IBM. Mary confie à De Standaard : « Je n’ai osé dire la vérité à mon père qu’après une semaine de travail chez IBM. Il estimait que les entreprises américaines ne visaient que le profit et a donc réagi négativement : ‘Ils vont te presser comme un citron, retourne d’où tu viens’ ». Mais Mary reste et devient le numéro un d’IBM Belgique en 1990, après seize ans de carrière.
Déménagement
En 1993, Tony Mary se lance de l’entrepreneuriat. Avec deux amis, il crée Synergia qui rachète des PME en difficulté. Cinq ans plus tard, ils revendent leurs parts avec une plus-value de quatre fois le montant investi. Ensuite, il travaille chez Belgacom et devient directeur du département qui s’occupe des 1.500 plus grands clients. À Londres, il travaille chez le géant américain SITAL comme responsable de toutes les activités européennes. À la fin des années 90, il s’installe à Paris où il s’occupe d’une restructuration chez le constructeur informatique Bull. Il est responsable du développement marketing et commercial au niveau mondial. Cette énergie n'est pas sans conséquence : au cours de toute sa carrière, Mary habite 13 ans à l’étranger et déménage autant de fois.
Du pain et des jeux
Après avoir accompli sa tâche chez Bull, il va chez KPMG, puis à la VRT en 2002. Financièrement, c’est un sérieux pas en arrière. Mary : «À la VRT, je gagnais moins de la moitié de ce que je gagnais chez KPMG. Mais je l’ai fait pour l’aspect social et parce que ce défi m’intéressait». Mais en 2005, il ne s’entend plus avec son ministre de tutelle, Geert Bourgeois, et Mary est mis sur le côté un an plus tard. Pendant des mois, les médias et le parlement discutent de son indemnité de rupture fixée de manière contractuelle, et il est accusé de fraude par le biais de ses remboursements de frais. La Cour des Comptes le disculpe totalement : «En Flandre, il y a une culture de la jalousie qui touche également à l’argent. Si un grand club veut garder un excellent joueur, il dépense souvent plus pour son salaire annuel que ce que gagne un directeur d’une entreprise Bel 20. On félicite la direction du club de football, alors que tout le monde parle de honte quand il s’agit des directeurs. La contribution de ce joueur à la société se limite pourtant ‘au pain et aux jeux’, alors que ces grands directeurs emploient des dizaines de milliers de personnes».
Ma pensée
Passer inaperçu ne convient pas Tony Mary. Il donne résolument son avis et va à l’encontre de ce qui est de bon ton. Mary : « Ce qui m’inquiète réellement, c’est la bombe à retardement sociale sur laquelle nous sommes assis. Nous sommes fiers de notre enseignement secondaire général qui compte parmi les meilleurs du monde, mais nous avons négligé l’enseignement technique et professionnel. Nous nous étonnons ensuite que 60 % des jeunes ne terminent pas leurs études dans cette filière d’enseignement. Une portion croissante de ces jeunes, souvent des allochtones, pensent qu’ils étudient pour devenir chômeurs. Ils jettent l’éponge. Est-ce qu’il s’agit de pauvreté ? Non, parce qu’ils gagnent leur vie dans le circuit économique alternatif. Il ne s’agit donc pas d’argent, mais de savoir qui nous sommes dans la société. On aboutit alors à des réactions excessives, comme à Kuregem ou Borgerhout. La tolérance zéro n’est qu’une répression symptomatique, alors que la minuterie de la bombe continue son décompte ».
Aujourd’hui, Tony Mary est administrateur de 15 associations et entreprises socioculturelles. Grâce à sa longue expérience, il accompagne des directeurs généraux de jeunes entreprises et fait office de caisse de résonance en leur faveur. Tony Mary a trois fils, dont le pénaliste Sven Mary est le plus connu.